Si Frontierland, tout comme Disneyland Paris en général d'ailleurs, a toujours subi les foudres des critiques dite "élitistes" (entendre par "critique" 2-3 personnes éclairées aux arguments pertinents, puis une foultitude de langues bien pendues trop effrayées à l'idée de penser par elles-mêmes), c'est en partie parce qu'ils se sont toujours évertués à vouloir tracer un parallèle direct entre ce parc et l'Histoire.

Disneyland toutefois n'a jamais une seconde prétendu être un musée, et les références historiques qu'il puise volontiers ne sont là que pour soutenir le thème, et lui donner une certaine légitimité dans cet univers franchement édulcoré et policé à l'excès. La seule authenticité de ces lieux est celle qui trouve son adéquation avec l'idée que la conscience populaire (particulièrement la culture pop européenne) peut se faire de l'Ouest : non pas celle des livres d'histoire, mais celles des films de John Ford, de Sergio Leone, de Clint Eastwood... Autant de récits qui ont façonné un mythe, une légende, avant de vouloir illustrer au plus juste une période historique (si tant est que cela n'ait jamais été leur but).

Et dieu sait si l'Europe a toujours plus ou moins regardé d'un oeil envieux cette période charnière de l'histoire des Etats-Unis, aussi sombre que fascinante, quitte à la résumer à quelques clichés. Des territoires immenses et vierges, où tout était possible, le meilleur comme le pire, dans un contraste si fort et alléchant avec l'existence de cette bonne vieille Europe.

Frontierland cristallise donc les images, les sons et les impressions que nous croyons nous faire du Far West et les regroupe en un seul lieu, en compressant au passage plusieurs époques, plusieurs points géographiques. La réussite du land réside peut-être dans sa capacité à synthétiser une histoire aux traits si divers dans une cohérence spatiale et narrative. On réinterprète en prenant soin d'user des largesses permises par Hollywood et Cinecitta pour obtenir au final un monde qui ressemble comme deux gouttes d'eau à... un bon film

Un bon western, pardon.

Un des nombreux dessins préparatoires dévoilant Frontierland (celui de Disneyland en Californie), avec un premier plan, le couloir et le point de mire, sans oublier les quelques "acteurs"...

Tout y est ! les panoramas retentissants, les personnages hauts en couleur, l'or, l'histoire, le drame et la fin plein d'espoir... Revoyez-vous donc traverser Fort Comstock, découvrir cette petite ville agitée, son saloon huppé, ses trottoirs grinçants et Big Thunder Mountain en point de mire. Les bonnes recettes sont comme les bonnes idées, elles ne prennent jamais une ride ! Ainsi Disney lui-même envisageait déjà son Frontierland (et, au delà, son parc tout entier) de la sorte, avec le premier plan, la scène où se déroule l'action puis le long shot. Souvenez-vous la scène où Sergio Leone présente la petite ville de Flagstone dans Il était une fois dans l'Ouest (scène qui fut d'ailleurs pastichée par Robert Zemeckis, 30 ans plus tard, dans Retour Vers Le Futur III). La recette est toujours la même.

Le petite ville en construction de Flagstone, dévoilée par le réalisateur Sergio Leone dans Il était une fois dans l'Ouest

Seulement voilà, ce n'est plus l'oeil de la caméra qui est censé découvrir Frontierland, c'est le votre, d'où la nécessité de mettre en scène un paysage tout entier en restant à 1m70 (1m50, si vous êtes de droite). Ainsi, depuis Central Plaza l'horizon reste très limité à travers la lucarne matérialisée par Fort Comstock (un écran de cinéma serti de bois, pour filer la métaphore), on distingue à peine la roche ocre de Big Thunder Mountain et, si le timing est bon, un des deux vapeurs du pays. Juste assez pour sentir un parfum de Far West, juste assez pour donner envie d'aller voir...

Car il faut bel et bien s'approcher pour cerner à sa juste valeur ce petit monde figé dans un 19° siècle crépusculaire. Vous traversez le fort et le champ prend des gallons, vous êtes passé de la simple lucarne au plan large, vous embrassez toute la région, les pics de Big Thunder tourmentés par des petits trains excités, les façades vieillies de Thunder Mesa... Ébouriffante vision, le "Woah factor" comme disent les imagineers, semble fonctionner à merveille.