Thunder Mesa... Rien que le nom, déjà, donne envie de chausser ses santiags. Mais passons. Vous vous attendiez à voir quelques façades pêle-mêle en carton pâte désespérément insipides et anonymes ? Vous attendiez mal, car Thunder Mesa n'a rien à voir de l'amalgame facile que l'on retrouve dans la plupart des parcs d'attractions, qui s'évertuent à raconter un Far West au travers de clichés mal fagotés. Ici, chaque édifice ou presque possède son histoire, ses anecdotes. Ce petit monde teinté d'ocre est une pièce de théâtre en trois actes, narration classique mais ô combien efficace.

La seule différence c'est que l'on a viré les sièges et que la scène a pris pas mal d'embonpoint.

Santiags aux pieds, Stetson vissé ? Off we go

 

Tout commence avec ce petit fortin niché parmi la verdure, vestige d'une ère reculée où la culture anglo-saxonne à l'ouest des Appalaches se résumait à quelques rondins de bois assemblés ici et là. Fort Comstock est le point de départ géographique et chronologique de tout Frontierland (et accessoirement de l'histoire de l'Ouest américain), ce fort -à l'image des centaines d'autres éparpillés sur ces immenses territoires- monte la garde depuis déjà fort longtemps, il évoque les premiers colons qui ont peuplé la région et les quelques tepees que l'on peut distinguer dans les environs sont là pour rappeler que les relations entre colons et indiens n'ont pas toujours été teintées de sang. A l'époque, rares sont les coups de feu, endormis sont les filons d'or et inexistants sont les saloons. A l'intérieur du fort point d'AudioAnimatronics mais quelques mannequins qui s'attachent à jouer le jeu ; un shérif, un trappeur qui se reluque les dents (Ce n'est pas Robert Redford dans "Jeremiah Johnson" mais pas loin), un hors-la-loi, tous figés dans leur rôle respectif.

L'architecture est minimaliste et l'ambiance rustique, mais les détails foisonnent : des canons, plus proches de décorum qu'autre chose sont encore là, des barriques et des caisses sont entassées, à l'intérieur on trouve tout un tas de provisions des fois que le fort subirait un ultime siège (celui des visiteurs le matin à l'ouverture peut être ?), même les lampadaires font très vintage avec leur lanterne d'une autre époque.

Thunder Mesa Road

L'allure d'un autre temps et les murs en rondins (voire son enseigne faite d'une peau de je ne sais quoi) de la petite échoppe Tobias Norton & Sons trône encore au sortir du fort, rendez-vous des trappeurs et unique temple du troc du temps où Thunder Mesa n'était encore qu'une hypothèse.

 

Bien évidemment, ce tableau bucolique changea du tout au tout quand on trouva en 1853 de l'or dans Big Thunder Mountain. La vague d'intérêt qui  suscita pas mal de vocations dans le cœur d'une ribambelle de pionniers donna naissance en quelques coups de pioches à une petite ville minière bouillonnante où mineurs, commerçants et opportunistes s'empressèrent de construire une poignée d'habitations et de magasins.

Ainsi, juste à côté de Tobias Norton & Sons, on s'empressa de bâtir d'autres boutiques, nettement plus modernes afin de subvenir à la demande croissante, à l'image du Thunder Mesa Mercantile Building, authentique temple de la consommation version 19°. Ce mall antique rassemble en fait sous son toit plusieurs boutiques mitoyennes : Bonanza Outfitters et l'Eureka Mining Supplies & Assay Office (On dit même que cette échoppe est directement reliée à la mine par un tunnel dans l'arrière-salle, ce qui n'est peut-être pas un hasard quand on sait que son propriétaire était un véritable mordu de Big Thunder). D'autres activités vinrent aussi s'agglutiner : un photographe, le nécessaire barbier, un pharmacien, un promoteur immobilier, sans oublier le forgeron (qui n'est autre que Lavinia Rose Jr, la fille de Jedediah Rose, premier forgeron de Thunder Mesa et marié, pour un temps en tout cas, à une ex-danseuse du Lucky Nugget, prénommée Lavinia...)

A l'époque, il n'en fallait pas plus pour que trois-quatre bouis-bouis s'affublent du statut de ville. Thunder Mesa était née.

Mais revenons sur le poumon de la ville, la mine de Big Thunder Mountain. Tout est encore présent et témoigne de ce que furent les années de gloire de la région ; une installation de levage, un compresseur, l'enclos des mules et un quai pour les bateaux complètent l'attirail du parfait mineur. On fit construire sur les berges une monumentale scierie et bientôt les petits wagonnets destinés à extraire les décombres et l'or peuplèrent de leur vacarme les entrailles de la montagne. La légende de Thunder Mesa évoque aussi une bien vieille histoire indienne... sornettes pour les uns, malédiction pour les autres, on raconte en tout cas que la montagne est protégée par une divinité indienne, et quiconque oserait dérober les richesses de Big Thunder Mountain serait frappé par le courroux de l'Oiseau du Tonnerre. Ce qui explique peut-être pourquoi la roche fait mine de s'effondrer quand on s'aventure dans la montagne. Des légendes, des légendes...

 

Sans attendre, notre hameau obtint ses galons, surtout lorsque l'illustre Henry Ravenswood, l'heureux propriétaire de la Big Thunder Mining Company se fit construire un somptueux manoir qui du haut d'une petite colline semble contempler non sans un brin d'orgueil toute la région. La mémoire de toute la ville giserait-elle entre ses planches ? ce serait résumer d'une bien sombre manière l'histoire de la Ruée vers l'Or, enfin je digresse.

Lucky Nugget Lane

D'une petite ville minière parmi tant d'autres, Thunder Mesa acquit peu à peu certains fastes et avec eux quelques fortunés personnages, la preuve en est dans la partie la plus chic de la ville, sur Lucky Nugget Lane, avec le très select Silver Spur Steakhouse ou, à quelques pas de là, Thunder Mesa Riverboat Landing, adresse des deux emblématiques steamboats qui sillonnent Rivers of the Far West ; la Mark Twain et le Molly Brown.

Le Lucky Nugget Saloon aussi à ses planches viscéralement clouées dans l'histoire de Thunder Mesa. La légende raconte que la sulfureuse Diamond Lill, danseuse au demeurant, parvint un jour à visiter la mine de Big Thunder Mountain après avoir envoûté un des mineurs (l'histoire toutefois ne rentre pas dans les détails), visite qui devint d'ailleurs plutôt fructueuse puisque damoiselle Lill trébucha sur une bien grosse pierre qui, après examen, s'avéra être... une énorme pépite d'or ! Pépite qui resta légitimement et malheureusement la propriété de la mine. Tenace, notre danseuse fit de cette pépite l'enjeu d'une partie de poker mémorable, en 1855.

And she won !

Richesse et gloire ne quittèrent plus dès lors Diamond Lill qui quelques années plus tard, en 1858, se fit construire un somptueux cabaret, le Lucky Nugget Saloon (le Saloon de la Pépite de la Chance), et ce pour le plus grand plaisir de la gent masculine de la ville ! Plus tard Lill voua son existence aux voyages, et on dit même qu'elle aurait rencontré son époux, Pierre Paradis... à Paris !

L'adresse demeure pourtant quelque peu ambiguë, et ce à plus d'un titre. Ainsi, juste à coté du Silver Spur  trône le nettement moins glamour Last Chance Café, rendez-vous des bandits à la petite semaine trop peu fortunés pour fréquenter l'Éperon d'Argent. On n'oubliera pas de remarquer les avis de recherches affichés aux murs, autant d'hommages amusants à quelques une des imagineers responsables de Frontierland. Un autre constat mérite d'être souligné, nous évoquions le Lucky Nugget, dont la légende est tissée de fil d'or, le Silver Spur qui, comme son nom l'indique, fait référence à l'argent... Le Last Chance Café quant à lui, avec ses tons chauds et ses comptoirs en cuivre, évoque non sans panache ce troisième minerai, très recherché lui aussi pendant la Ruée vers l'Or.

Éloignez-vous quelque peu de ces trois enseignes et l'atmosphère change subitement ; l'ultime boutique de Thunder Mesa, celle du croque-mort J. Nutterville, opère en effet la transition parfaite entre la vie trépidante de la cité et la colline peu rassurante sur laquelle se dresse le Ravenswood Manor.

Quelle savoureuse subtilité...

 

Alors que Sergio Leone, dans son film Il était une fois dans l'Ouest (C'Era Una Volta Il West) raconte comment, selon lui, l'arrivée dans l'Ouest du capitalisme féroce (symbolisé par le train), changea pour toujours la face de la région. Le dernier acte de Thunder Mesa, sa chute, semble trouver ses racines elle aussi dans la soif de l'or effrénée suscitée par Big Thunder Mountain.

Car comme aurait très pu le dire Diamond Lil, ce sont les diamants qui sont éternels, pas l'or (ce qui expliquerait peut-être pourquoi elle fut quasiment la seule à avoir un destin heureux ?), une petite décennie après que l'on ait découvert un filon dans la montagne, un tremblement de terre secoua la montagne. Henry Ravenswood, ainsi que sa femme Martha, périrent lors du drame (Tout du moins, c'est la version officielle, cela dit quelques bruits contradictoires courent à ce sujet...), et l'exploitation de la mine fut abandonnée. Certains racontent d'ailleurs que c'est cet Oiseau de Tonnerre qui scella une bonne fois pour toute le sort de la mine.

Ainsi la frénésie s'estompa et par dépit sans doute, Thunder Mesa adopta une existence beaucoup plus tranquille, quelques prospecteurs bornés et d'autres paisibles fermiers continuèrent à faire perdurer cet esprit pionnier, et c'est dans l'ouest du land, la partie la plus sauvage que le troisième chapitre va clore notre légende. Cowboy Cookout Barbecue et Cottonwood Creek Ranch en témoignent, là où la vie en communauté prend le pas sur l'individualisme de la quête de l'or. Vous remarquerez d'ailleurs que toutes les chaises du Cookout sont différentes ; ce détail reflète tout l'esprit des lieux, et rappelle la tradition où chacun porte un peu de son pain (et sa chaise) pour participer à la Grande Bouffe de l'Ouest (appellation personnelle).

The Road Goes on...

Une légende haute en couleur qui n'a pas fini de divulguer ses secrets et ses détails. Rien ne saurait être scellé, le jour où on décidera enfin d'apporter de l'eau au moulin en construisant une nouvelle attraction (et pourquoi pas une version européenne de Splash Mountain telle qu'elle est prévue depuis déjà de nombreuses années ?!) la mythologie de Thunder Mesa dévoilera un chapitre de plus...

 

 

 

ndlr : Cette page reprend essentiellement une narration extraite d'un précédent dossier consacré à l'Ouest selon Disney. J'ai toutefois tâché de l'étayer, afin qu'elle puisse trouver tout naturellement sa place dans ce petit guide.

Si vous avez quelconques précisions et/ou corrections à y apporter, n'hésitez surtout pas à me contacter !