Frontierland, 1955
L'après guerre aux
États-unis achève une transition qui avait déjà commencé avec la
Première Guerre Mondiale. Le pays qui a un peu vécu par procuration une
guerre qui a pourtant vu pas mal de ses soldats tomber la fleur au fusil
n'a qu'une hâte, sortir de ces années noires. Car si ce conflit a
définitivement scellé le pays au rang de première puissance mondiale, il
a aussi bien amoché les esprits. Les années 20 furent celles du Gin
and Jazz Age
avec toute la frivolité et légèreté qui en découlent, les années 50 seront
celles de la consommation exacerbée et du divertissement. Pourquoi cette
petite digression historique ? tout simplement parce que Disneyland
incarne la réponse parfaite que tout le pays recherche à l'aube des
années 50, une évasion, une glorification des fondements américains à
une heure où l'Histoire elle-même s'est un peu sacrifié de tout son
sens.
Le parc qui tombe à
pic
Les premiers prémices de Disneyland font déjà référence à un monde dédié à
la Conquête de l'Ouest. Sur des plans datant du début des années 50 les
lignes familières et les idées oubliées se mêlent ; une petite rue du
Far West, une ballade à bord d'un bateau à aube sur les eaux sauvages
d'une rivière, ici une cavalcade à dos de poney pour les plus petits, là
encore une randonnée en diligence à travers de vastes étendues. Le souci
principal de Disney est de créer de toute pièces un monde qui évite
soigneusement l'instant présent pour se consacrer aux mythes du passé,
aux espoirs de demain et à la fantaisie, Frontierland serait le fer de
lance de cette Amérique revisitée par Disney, un homme qui a toujours
voulu montrer à quel point l'histoire d'un pays pouvait influencer
l'époque présente.
"To all who comes to
this Happy Place..."
Le
17 juillet 1955, Frontierland accueille ses premiers visiteurs, bien
évidemment, point encore de Splash Mountain ou de Big Thunder Mountain
pour parfaire le panorama, notre Far West en miniature apparaît sous des
lignes épurées depuis Central Plaza, des lignes qui donnent vie à une
petite ville frontière, à cheval entre civilisation et territoire
sauvage. La métaphore est omniprésente, le visiteur pénètre dans ce
monde au milieu de bâtisses caractéristiques avant d'apercevoir au loin
les rivages de Rivers of America avec ses bateaux au long cours ou le
sempiternel vapeur Mark Twain, l'effet est saisissant, le charme passé
de ces petits îlots de civilisation contraste avec l'urbanisation
galopante qui caractérise l'Amérique de l'après-guerre. Saloon,
cow-boys, pétards, diligence, tout y est, et le réalisme rustique des
décors ne fait que renforcer l'illusion
Il ne faudra attendre que quelques mois pour assister à l'avènement
d'une attraction chère à Disney, le mythique Rainbow Caverns Mine
Ride
(renommé plus tard Mine Train Through Wonderland, si je ne me
trompe pas) qui met en scène un petit train serpentant parmi quelques
tableaux sauvages subtilement recrées, des contrées arides aux forets
luxuriantes des Rocheuses, sans oublier foule d'animatronics afin de
donner vie à ce monde magique, l'homologue tendance Far West de Jungle
Cruise en quelque sorte.
Back to the East
Quelques décennies plus tard, Walt Disney Productions n'imagine pas
autrement Frontierland pour son Magic Kingdom, Disneyland attise en
effet un
intérêt croissant à l'Ouest et l'immense projet en passe de se réaliser
dans les marécages avoisinants Orlando se doit faire figurer au menu son
propre Disneyland, histoire d'amuser et surtout d'attirer les foules dans
cette région encore endormie des États Unis. Une fois de plus,
Frontierland apparaît comme un voyage dans le temps et l'histoire, une
traversée d'est en ouest qui commence au sortir de Central Plaza par des
bâtisses typiques du Saint Louis du milieu du 19° siècle (une époque où
cette ville ancrée sur les rives du Mississippi marque encore à elle
seule la limite entre la civilisation et le monde sauvage) pour ensuite
donner sur les horizons sauvages de l'Amérique du nord aux abords de
Rivers of America et de Tom Sawyer Island, encore un peu plus à l'ouest
et vous retrouvez les paysages arides et inhospitaliers de Big Thunder
Mountain où plus que jamais, le Far West de notre imagination prend vie.
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